On dit que le temps arrange les choses. Je veux bien y croire, mais après avoir lu cette histoire, vous, y croirez-vous?

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« Lui »

Il a changé sa vie

Celui qui, aux yeux de tous, n'était personne...

Tout est tranquille aujourd'hui dans cette petite ville où le soleil vient à peine de se lever.

Célia se berce déjà près de sa fenêtre, elle regarde constamment dehors cherchant au travers de l'hiver quelque chose que tous ignorent, un secret juste à elle, tel un trésor.

Célia a 56 ans, elle ne souffre d'aucune maladie, elle est très en forme et elle prend soin d'elle. Sa seule véritable maladie est qu'elle a le coeur encore accroché à ce garçon qu'elle a connu à l'école autrefois...

Toc.Toc.Toc. Plus que surprise, elle va ouvrir. C'est sa petite-fille, Katie, tout excitée, qui entre en courant dans la maison.

Elle sait très bien que sa grand-mère adore lorsqu'elle vient lui rendre visite, car elle est bien la seule à y aller. Katie a 16 ans, elle a de longs cheveux bruns et des yeux qui attirent mystère et secret; elle a les yeux pers.

Elle a soif de tout savoir, curieuse et très indépendante, elle mène tout à terme.

Comme toujours, sa grand-mère la regarde, amusée, mais elle ne sait pas encore que Katie est venue pour savoir la vérité...

Avant que sa grand-mère se rende compte qu'il y a quelque chose qui cloche, elle lui demande de s'asseoir près d'elle sur le vieux divan de cette très vieille maison.

Tout concorde, car Katie veut aller dans les vieux souvenirs de sa grand-mère.

«Grand maman, il y a des gens qui parlent de toi au village, des gens qui te trouvent bizarre, qui se demandent pourquoi tu scrutes toujours l'horizon par cette fenêtre, le jour, et au dire de quelques-uns, la nuit aussi?»

Katie sait très bien qu'avec cette question sa grand-mère n'aura pas le choix de lui donner au moins une petite réponse, quelle qu'elle soit. Célia se lève et marche lentement, se dirigeant vers la fenêtre. Elle regarde dehors, elle ne sait pas trop quoi lui dire, mais surtout comment lui dire.

Elle murmure tout bas quelque chose d'incompréhensible et se retourne vers Katie les yeux pleins d'eau.

« Il y a une raison, évidemment et je sais que tu te battras pour la savoir. Si ce n'est pas aujourd'hui, ce sera un autre jour, alors assieds-toi au fond du divan. Mon histoire est longue, triste, et probablement qu'elle te poussera à me poser d'autres questions, mais je ne répondrai pas.

Tout ceci m'est très difficile à partager, car je garde ça pour moi depuis que j'ai ton âge»

Elle avait réussi. Sa grand-mère lui dirait tout, tout ce qu'elle voulait savoir, car sa grand-mère le voulait aussi...

Elle s'assit au fond du divan et les yeux remplis de questionnements, elle observa sa grand-mère qui faisait tout pour dissimuler les larmes qui coulaient sur ses douces joues ridées par l'âge.

Célia fixait Katie. Elle pensa à quel point elle était comme sa mère: déterminée et sensible. Comme elle, elle avait tout pour plaire. Elle hésita longtemps avant de commencer réellement. Les soupirs ne manquaient pas; les souvenirs lui faisaient mal.

Elle revit toutes les images de cette histoire si troublante. Après quelques instants, elle s'assit dans sa chaise sur le bord de la fenêtre.

Et Célia commença.

« Ma petite Katie, as-tu déjà eu l'impression qu'une seule personne dans ton entourage pourrait du jour au lendemain changer ta vie?

Bien sûr que non, car moi non plus je ne le pensais pas, mais crois-moi, tout change et, souvent, pas comme on le voudrait ou pas comme on voudrait bien le vouloir...

J'étais en onzième année c'est comme ça qu'on appelait le secondaire 4 dans ce temps-là... Et chaque matin en arrivant à l'école, je voyais un garçon qui restait appuyé sur le bord d'un mur.

Il n'attendait personne, tout ce qu'il faisait, c'était de rester là avec ses livres

 sous le bras. Tout le monde l'ignorait, il n'était rien aux yeux du reste du monde, mais moi, je ne le voyais pas comme ça, même s'il avait un drôle d'air avec son chandail en laine et son pantalon roulé dans le bas un peu trop, je le respectais.

Ce n'est que quelques mois après que tout a commencé alors que je suis partie plus tard qu'à l'habitude de l'école et qu'il s'en allait lui aussi.

Je ne sais pas pourquoi, mais cet après-midi-là, je devais lui parler.

Je lui ai proposé de marcher avec lui, mais il a refusé en me disant qu'il n'avait besoin de personne, qu'il avait toujours été ignoré et qu'il ne voulait pas que ça change, car lorsqu'il était à la petite école, il était sans cesse ridiculisé, battu. Il n'avait jamais la paix.

J'ai essayé tant bien que mal de lui remonter le moral, de lui dire que je n'étais pas là pour le ridiculiser.

Il ne m'a pas cru. Il m'a dit:"Retourne avec tes amis, ceux qui sont de ton monde, aussi snobs que toi, ceux que tout le monde connaît et que personne n'ose blesser, retourne avec ces gars qui rient toujours de moi, j'ai peut-être les pantalons trop roulés dans le bas, mais eux pas assez, laisse-moi tranquille."

Et il est parti. J'avais beaucoup de peine pour lui, mais j'étais enragée qu'il me catalogue ainsi seulement à cause des gens avec qui je me tenais.

Le lendemain, j'étais impatiente de le voir appuyé sur son mur à lui.

J'avais envie plus que tout de le voir dans son gilet de laine et de voir son pantalon trop roulé; je voulais juste le voir, savoir qu'il allait bien.

L'autobus s'est arrêté devant l'école, je suis descendue et je ne l'ai pas vu. J'ai demandé à tout le monde pourquoi il n'était pas là aujourd'hui, mais ils m'ont tous dit la même chose:"Il n'est rien à nos yeux, ce n'est qu'un rejet." Je comprends maintenant ce qu'il avait essayé de m'expliquer la veille.

J'étais inquiète. J'en ai parlé à un professeur et c'est plus que surpris par mon intérêt pour lui qu'il m'a répondu que ses parents l'avaient retrouvé mort ce matin-là. "Eh oui, pauvre petite, m'a t-il dit, il s'est suicidé."

Ce soir-là, je suis retournée chez moi à pied pour me rappeler la veille et je me suis dit que je referais toujours ce chemin qui m'en avait tant appris...

Tu sais tout, Katie, sauf encore une chose.

Je regarde par la fenêtre jour et nuit parce que je suis persuadée qu'un jour il retournera s'appuyer sur son mur et ce jour-là je serai là pour lui dire que je le comprends et qu'il a changé ma vie... Car j'ai compris que les gens rejetés sont parfois les plus attachants et que l'apparence n'a pas d'importance.

Eh oui, il me fallait ça pour réaliser l'attitude de mes amis et la peine qu'une simple phrase toute banale peut causer...

Et tu diras à ces gens en ville qu'ils me fichent la paix, je suis maintenant différente et je le resterai pour ce garçon qui était ignoré de tous...»

 

Mon histoire s'arrête ici... Mais dites-vous que ce genre de chose arrive, c'est certain, et qu'il y en a qui finissent vraiment par réagir ainsi.

Alors, faites un peu attention et essayez d'être plus attentifs à ceux qui vous entourent. Un simple geste peut parfois faire une grande différence.

Audrey

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4 Avril 2003